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WEEK-END DU 12 ET 13 AVRIL | ZONE SENSIBLE LE MANIFESTE DES COMMISSAIRES ANONYMES


LucJacquet - 5 avril 2014 - 0 comments

Dans le cadre du week-end Allons voir ailleurs si nous y sommes qui s’est déroulé à Zone Sensible les 12 et 13 avril 2014, les Commissaires anonymes (Commissaires d’exposition et critiques d’art) ont rédigé un manifeste autour de l’évènement et du lien avec le travail de l’artiste Robert Filliou.
Ce texte était exposé et distribué à Zone Sensible durant la manifestation.
Il nous semblait important de vous le faire partager…

Bonne lecture,

À bientôt
Le Parti Poétique

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MANIFESTE
POUR UN ART DE VIVRE,
COÛTE QUE COÛTE

Zone sensible, avril 2014

À l’artiste Robert Filliou et à nous tous,génies sans talent d’ici et maintenant.

À présent, il devient nécessaire d’incorporer la leçon de l’art en tant que liberté de l’esprit
dans la vie quotidienne de chacun, afin que celle-ci devienne un art de vivre.
RF, livre Teaching and Learning as Performing Arts, 1970, trad. fr. p.23

 

RICHES DE ZÈLE ET DE FOUGUE
Enfants des troubles de l’économie, nous jouissons à l’aveugle du bonheur précaire capitalisé
par les générations passées. Nous n’envions ni confort ni sécurité à nos aînés. Mais nous n’avons
à ce jour rien de plus à faire fructifier que nos idées. L’enjeu ne serait pas forcément d’en faire
un marché, peut-être simplement un commerce de proximité. Conscients des conditions du salarié
débordé ou du chercheur d’emploi surqualifié, nous tentons les acrobaties de nouveaux modes
de vie, avec ou sans filet.
« Quelle époque de merde pour la jeunesse » ressassent les médias. N’en soyons pas certains.
Une fois immunisés contre l’effet des lamentations nostalgiques et des crispations conservatrices,
il nous reste pour sûr la fougue et le zèle. En trimeurs exaltés, tâchons d’en faire un usage décomplexé.

PÊCHE A LA TRUITE YOURSELF
Il y eut la beat generation puis la « tweet » génération.
Notre société contemporaine fait de nous des bavards, des impatients et des attentistes.
Comment réparer un lave-linge ou pêcher une belle truite aujourd’hui ? Là est peut-être le fond
du problème : notre génération n’en a massivement ni le temps, ni l’ambition. Et pourtant avec
l’objectif de rendre à monsieur tout le monde sa part de maîtrise dans la production des objets
et des denrées qui l’entourent, la culture Do It Yourself / Do it Together dépasse le cadre des activités
déco du dimanche ; toute reconnaissance gardée pour les tricots et gâteaux de mamie. Faire soi-même
serait une toute autre satisfaction qu’assouvir sa consommation. Faire soi-même aujourd’hui s’apparente
à un engagement militant : concevoir à nouveau la nature et la valeur des choses, prendre son temps,
travailler dans une économie des moyens, partager ses connaissances et expériences sont autant
de moyens de devenir à nouveau acteur de sa vie quotidienne. D’après les théories de l’artiste Robert
Filliou, nous sommes tous des génies dont les talents acquis, parfois forcés, ont détrôné les intuitions
innées. Nous suffirait-il d’oublier quelque talent pour tenter de se débrouiller ?

DES ARTISTES SANS DISCIPLINE
Que signifie aujourd’hui le terme artiste ? Un travail, un statut social, un fantasme, une activité ? Et si
les pratiques artistiques n’étaient plus seulement la tâche de ceux qui revendiquent le titre ? Activistes,
humanistes, jusqu’au-boutistes, idéalistes et autres fantaisistes n’ayant que faire des dénominations,
reconsidérons l’artiste en « animateur de pensée », figure qu’avait choisie Robert Filliou pour définir
son engagement créateur dans des domaines divers, de l’économie à la poésie, de la spiritualité à
l’éducation. Celui qui proclama que « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art  », défendit
l’innocence, l’imagination, la liberté et l’intégrité comme les principales qualifications du nouvel artiste.
Étendre l’art au concept de la création permanente et omniprésente fut l’œuvre de sa vie ; c’était
il y a bientôt cinquante ans. Il rirait de constater encore aujourd’hui les prés carrés de l’art, du design,
de la mode ou de l’architecture. Si nous sommes plus que jamais conditionnés par les lois du marché,
nous tentons de rester aussi indisciplinés que nos ainés.

NOUS N’AVONS QUE DU TEMPS LIBRE
Robert Filliou établit en opposition à l’économie politique, les Principes d’une Économie Poétique, non
plus fondés sur des critères de rendement mais sur une nouvelle théorie de la valeur visant la création
d’un nouvel « art de vivre ». Il envisageait une nouvelle perception des tâches que doivent accomplir
les hommes dans le développement de la société en « passant du travail comme peine au travail comme
jeu ». Selon cette conception, les tâches auxquelles nous nous livrons quotidiennement se
rapprocheraient d’activités ludiques spontanées, libres et gratuites et non d’une servitude jouissive ou
abêtissante. La crise raréfie l’emploi et ce faisant, nous incite à préférer de nouvelles conceptions du
travail à l’aliénation du labeur. Nous travaillons le dimanche mais parfois pas le jeudi. Tard le soir
mais avec des amis. À l’heure où l’énoncé « je n’ai pas le temps » gangrène les journées, nous
capitalisons sur la possibilité d’employer le temps à notre gré. Si nous n’avions en réalité que du
temps libre…
Et vous, que faites-vous dans la vie ?

ALLONS VOIR SI NOUS Y SOMMES
Nous sommes rassemblés ici sans but de fédération ; seulement, nos pratiques ont en commun
l’innocencevolontaire de l’utopie d’aujourd’hui. Et c’est dans la maison pavillonnaire de la rue
Arthur Fontaine que nous proposons cette assemblée extraordinaire : l’art de vivre sera le sujet
de ces quelques journées.
Bienvenu à Zone Sensible.

Par Les Commissaires anonymes

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COMMISSAIRES ANONYMES (Bruxelles – Belgique)
Commissaires d’exposition et critiques d’art

Cécile Roche Boutin, commissaire d’exposition et consultante, et Mathilde Sauzet, commissaire et critique d’art, composent le binôme Les commissaires anonymes, un bureau de recherche sur la création contemporaine et la médiation artistique crée en 2010. Impliquées dans les réseaux de l’art, des politiques culturelles et de l’entreprise, elles abordent des problématiques liées à la genèse de l’imaginaire et à l’influence de la fiction sur les pratiques collectives. Par le biais du commissariat d’exposition, de la publication et de  multiples projets de collaboration, les commissaires anonymes placent les pratiques artistiques au carrefour de problématiques aussi culturelles que sociales et politiques. Les commissaires anonymes ont collaboré avec les galeries XPO (Paris), Eva Meyer contemporain (Paris), avec l’Ecole des Beaux Arts de Nancy, ont participé à la direction artistique de la Biennale Evento 2011 (Bordeaux), à Poppositions Art fair (Bruxelles) et au programme Nouvelles Vagues/Dans Paris organisé par le Palais de Tokyo en 2013. Une collaboration avec la société Passage Management dirigée par Catherine Foliot, consultante en management de l’innovation est engagée à partir de l’année 2014. Lauréats de la bourse IAAB 2014 (Fondation C.Merian, Basel), Les commissaires anonymes développent un projet de publication intitulé Nouvelle typologie artistique de l’eldorado contemporain qui les amènent à collaborer avec les artistes Bureau d’études, Luigi Coppola, l’association Etienne Boulanger ou le collectif Exyzt.

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